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Sat

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  • Sat
  • Karim Haddouche
  • Rappeur
  • 16 fan(s)

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A propos de Sat

  • jeudi 30 juillet 2009

    SAT
    Second Souffle…

    Le titre du nouvel album du rappeur marseillais Sat L’artificier n’a pas été choisi au hasard. Une métaphore de l’artiste qui lutte contre l’asphyxie, choisit de nouveaux temps de respirations.

    L’album percute le plexus solaire, secoue l’épine dorsale, ventile les hémisphères cérébraux. Sat a posé ses tripes sur la table. Table d’enregistrement, table d’écoute, table d’opération : Second Souffle est l’un de ces disques accouchés dans la douleur, sans péridurale. « Cet album a été une expérience magnifique, magnifique mais éprouvante, à la fois physiquement et moralement. Je me suis dit, fais ce disque-là, maintenant, il n’est pas sûr que tu puisses le faire plus tard. » Tout est dit.

    Le temps de la gestation, le temps d’incubation, la charge virale. Avec le recul, on comprend que Dans Mon Monde, le premier album solo de Sat, n’était qu’un laboratoire propice a diverses expérimentations. Les concepts et les idées, en germe, embryonnaires, ont largement muté et traversent Second Souffle comme des virus paralysant le système immunitaire de l’auditeur. Punch liner hors pair, hors-piste (on appréciera les prouesses techniques du track Abécédaire), story Teller de première catégorie ( Il suffit d’écouter le track que sont-ils devenus pour s’en convaincre), Sat slalome entre crise aigue d’ego et discours conscients, réalise une alchimie savante entre la rue et l’intellect, l’affect et le dialecte.

    Une voix Me Dit est certainement l’un des pics culminants d’un album sans temps mort. Incroyablement ciselé par DJ Shean, qui offre un écrin sonore a un Sat joaillier de la rime, ce titre s’inscrit dans une tradition « golden age » du hip hop, dans la veine de ce qu’a pu faire un Nas outre-Atlantique. Un corps à corps avec le verbe, une verve narrative époustouflante, une tension traverse le track de la première à la dernière seconde, et lui imprime une dimension urbaine, épique, irrépressiblement hip hop. Produit par Sayd des Mureaux, Medeline, DJ Shean, Frero Prod, Sat himself, Second Souffle est un album cohérent, homogène. Un disque tendu, pas tendance.

    Un disque cru, pas crunk. « Il y a dans ce disque une volonté de faire bouger les nuques, de lâcher des phases, des rimes inédites, susciter une réaction chez l’auditeur, explique Sat. La punch Line, la phase, le flow et la technique. À côté de ça, j’ai des morceaux avec une grosse charge émotionnelle, des morceaux conscients qui véhiculent des messages. » Les erreurs qui émaillaient Dans Mon Monde (et qui rendent le disque attachant) ont bien servi a Sat : Finies les digressions, les développements trop appuyés, Sat vise l’essentiel, l’épure, taquine un minimalisme typiquement new-yorkais période deuxième moitié des années 90.

    Auteur d’une tragédie urbaine, d’un opéra moderne, d’un polar acide, acerbe, métallique le temps du magnétique Marseille City : l’anti-Pagnol par excellence, de quoi refiler céphalées et sueurs froides a l’office de tourisme de la ville. Marseille City n’a rien d’un hymne, ce n’est pas une chanson de supporters : Sat dynamite tous les clichés abrasifs qui collent à sa ville et propose un « thriller » brut de décoffrage, le ventre de la bête, le Marseille des Parrains, de la french connexion, de la coke, des rôtisseurs, de Francis Le Belge, des règlements de compte, des braqueurs de brink’s. Un des temps fort de l’album, indubitablement.

    Et les moments forts s’enchaînent : Un Autre monde, avec la chanteuse américaine Shareefa, avec ses bpm’s ralentis, son thème lancinant, son tempo obsédant, Au Bon Vieux Temps, avec Stephen Filey, qui sonne comme du Kanye West produisant pour Common, un morceau ruisselant de soul, suintant d’âme. « Pour faire ce disque comme je voulais le faire, j’ai dû me replier sur moi-même, travailler avec la même équipe, des gens que j’apprécie, des amis, qui font du son que j’aime et surtout ne pas laisser l’entourage interférer, avec des commentaires du genre C’est pas ça qui marche en ce moment.

    Tu te laisses, dans ces cas-là, inconsciemment influencer. Ce disque, je me suis dit tant pis faut que je sois prêt à mourir avec. » C’est dire à quel point Sat s’est investi dans la réalisation de ce disque. Il s’est presque « arrêté de vivre » pour opérer une mise au point à 360° sur sa vie « passée, présente, future », sur sa famille, ses amis, sa ville, son pays, son monde. Sur des tracks intimistes et introspectifs comme M’aimeras- tu (sur les complexes relations Homme Femme) ou A Ma Mère, superbe déclaration d’amour à celle qui lui a donné la vie, Sat tutoie l’universel, questionne l’humanité tapie en chacun de nous, interroge ses doutes, ses angoisses, ses craintes.

    Il ramène le hip hop à son état naturel, celui de l’authenticité, de valeurs malgré tout positives, de l’émulation artistique, loin des pathétiques pitreries « gangsta » d’une frange de plus en plus importante de la scène rap hexagonale. Son disque véhicule des émotions superbes, violentes, il est fait d’affinités électives, d’alchimie récréative, de synergies contemplatives, de traumas, de fractures, de ratures. Un disque rayonnant de vie et d’énergie, l’énergie d’un artiste qui remonte un grand rapide à contre-courant, d’un artiste qui a harponné le chaos et l’harmonie du monde du bout de sa plume, la pesanteur du bitume, la symphonie dissonante des grands ensembles, des quartiers populaires.

    Autrefois gâchette experte au sein de la Fonky Family, Sat l’artificier est aujourd’hui un artiste en pleine expansion, et dont le rap suffirait à relancer l’electro-encephalogramme plat de n’importe quel auditeur menacé de mort cérébrale. Un artificier passé maître dans la pyrotechnie du verbe, gerbes de métaphores illuminant un monde froid. Un second souffle au cœur.

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